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mardi 6 août 2013

Entretien avec Fabienne Verdier - Charles Juliet

" Vous connaissez n'est-ce pas ce beau petit livre remarquablement écrit : le Zen dans l'art chevaleresque du tire à l'arc. Dans les années 1920, l'auteur, Eugen Herrigel, était parti au japon pour apprendre l'art du tir à l'arc. Il pensait qu'après s'être exercé pendant quelques semaines, cet art n'aurait plus de secret pour lui. Mais il a dû déchanter. Les semaines d'exercice s'ajoutant aux semaines, puis aux mois, il n'est rentré du Japon qu'après y être resté plusieurs années. Tirer à l'arc n'est donc pas une chose aussi simple que ce que l'on  peut croire Car peindre est un moyen de pénétrer en soi, de se découvrir, de prendre connaissance de tout ce qui dort ou s'agite dans le for intérieur,. De même quand il s'agit de peindre. puis de figurer ce qui exige de prendre forme.
Fabienne, pour peindre d'un seul mouvement et en un bref laps de temps ces signes ou ces formes que vous faites appatre sur la toile, il faut qu'en vous tension et détente s'équilibrent. Il importe donc que votre activité soit au repos, qu'elle ne vienne pas perturber la concentration que vous travaillez à obtenir. Je vous pose maintenant cette question simple : avez-vous de la difficulté à trouver le chemin de la paix intérieure et à être sans vouloir." 

 "Ami poète, je m'en vais vous répondre ce matin sans savoir où aller... Alors, j'erre dans le jardin à l'heure bleue du ciel, passant de pierre en pierre sur le sentier me menant à l'atelier. Dans l'apparente banalité du jour, je hume l'air frais, et qui vient me taquiner ? Des flocons de neige à profusion. Avec une sorte de gaieté première, j'accueille la neige. Je suis en béatitude, m'attardant à contempler les choses telles qu'elles sont. La plus petite manifestation ne révèle t-elle pas  la vérité toute entière ?
Voilà peut-être que le "être sans vouloir", c'est se laisser aller comme la vie va"... C'est une disposition intérieure matinale de base pour la peinture. Suivre le destin, la respiration du jour, une adhésion totale à l'instant, à l'univers vivant.
Je me sens si proche de ce petit buste humain sur un socle en bronze de Giacometti, de cet homme solitaire marchant toujours d'un point à l'autre sous la pluie, en marge totale des préoccupations dominantes, des modes de son temps. Il erre pleinement, sans aucun but, j'aime ça."